Stéphanie Orillard, cheffe maquilleuse

Elle est aujourd’hui devenue une référence dans le cinéma français et elle nous livre aujourd’hui son parcours et ses sentiments sur son activité.

Stéphanie Orillard : Stéphanie Orillard, je suis cheffe maquilleuse pour le cinéma et les spectacles vivants.

Comment vous êtes-vous dirigé vers ce secteur ?

S.O : J’ai commencé par des études d’esthétique puis une école de maquillage artistique. Je suis sortie premier prix et j’ai eu la chance d’être directement repérée. Je suis tout de suite rentrée à la Société Française de Production en devenant maquilleuse pour les plateaux télé. Au fil du temps, le département cinéma m’intéressait de plus en plus : créer, réaliser et fabriquer une enveloppe corporelle scénique, que sont le visage et le corps, au service d’un texte et d’un geste.

Quelles sont les différentes prestations que vous proposez ? 

S.O : Je ne propose pas de prestations à proprement parler. Aujourd’hui, ce sont plus souvent des réalisateurs, des productions et plus encore des comédiens, qui me contactent. Ils souhaitent, la plupart du temps, avoir leur propre maquilleur. C’est ainsi que je me vois confier la responsabilité du département maquillage pour un film. Mais je peux également être appelée en renfort par une cheffe maquilleuse lorsqu’il y a beaucoup de figuration.

Quel a été votre parcours ?

S.O : Après avoir intégré la Société Française de Production, je me suis retrouvée à faire tous les JT de France2, « Bouillons de Culture » avec Bernard Pivot, des émissions avec Jacques Martin, ou encore avec Jean-Pierre Foucault. Je suis partie au bout d’une année car je voulais faire du cinéma. Je me suis donc concentrée sur des films et le théâtre. Une trentaine de créations sont nées pour des scènes internationales puis des longs-métrages pour De Broca, Chabrol, Joffé

Aujourd’hui, je travaille comme cheffe maquilleuse.  

Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ce que vous faites ?

S.O : C’est une passion. On ne sait pas ce qui nous donne envie. Puis ma curiosité a été éveillée par les études de scripte de ma sœur pour le cinéma. J’ai compris que quelqu’un s’occupait de modeler ces personnages pour qu’ils intègrent au mieux la réalité de l’époque, le contexte de la scène… On se lève le matin, on arrive sur un décor magnifique. On crée les personnages, puis, lorsqu’ils enfilent leurs costumes, on quitte M. Depardieu qui est devenu Danton. C’est magique ! Et nous, nous sommes les petites fées en maquillage, en costume et en coiffure qui réalisons cette transformation. Nous devons totalement collaborer, c’est ce qu’on appelle HMC (habillage, maquillage, coiffure), c’est le staff beauté. Je pense qu’il n’y a pas plus beau métier que celui-ci et, en plus, c’est celui que j’ai choisi.

Quelles sont les qualités indispensables pour faire ce métier ?

S.O : Il est vrai qu’il en faut beaucoup malheureusement. Avant tout, avoir toute la connaissance des beaux arts. Puisqu’on travaille sur du volume, l’effet du trompe l’œil, puis on doit avoir des connaissances médicales lorsque des effets spéciaux nous sont demandés. De plus, il faut gérer le tempérament des comédiens pour que notre présence ne devienne pas un facteur de stress supplémentaire. On se doit donc d’être diplomate et psychologue sans pour autant les materner.

On doit également créer, lire les scénarios, gérer une équipe de maquilleurs pour une centaine de figurants, ou encore gérer un budget pour le département maquillage.

Qu’est-ce que vous préférez dans votre métier ?

S.O : Les papillons dans le ventre arrivent quand on a fait un tour de magie et qu’on ne voit pas l’artifice : on a transformé un comédien en un autre personnage. Le moment le plus fort est lorsque l’équipe technique nous dit « on n’avait pas compris qu’il y avait une prothèse, une protubérance, un tatouage caché ». Et puis quand votre acteur vous fait vibrer, vous fait pleure en scène, c’est merveilleux ; ou même au théâtre quand le comédien est applaudi, ce moment lui appartient. Malgré tout, on sait que quelque part, on y a contribué.

C’est un métier où à n’importe quel moment on peut se retrouver dans un livre, dans une histoire vraie : j’ai maquillé la semaine dernière des déportés qui sortent d’Auschwitz et qui ont été torturés. C’est fascinant de passer de Louis XIV à la Seconde Guerre Mondiale. On refait l’histoire en plus beau.

Quelles sont les difficultés du métier, ou les erreurs à éviter ?

S.O : Quand tu veux l’excellence, tu dois disparaître. C’est par la comparaison qu’on constate le beau, mais personne n’est présent pour voir comment le comédien a été transformé ce qui empêche une forme de reconnaissance.

Il est vrai que cela peut provoquer de la frustration, mais quand ça arrive, c’est que la personne est en manque d’identité par rapport à ça et qu’il y a un besoin de prouver quelque chose. Je pense qu’il faut dépasser ce sentiment qui, pour moi, s’est atténué avec l’expérience et la maturité.

Malgré cela, les comédiens sont capables d’appréciés tant mon travail que mes prestations. Ils ont conscience de la transformation qui est opérée ainsi que le service fournit autour de la personne.

En matière d’erreur, cette frustration peu prendre le dessus et vous poussez à vouloir vous montrer en alourdissant le trait par exemple. La fatigue est également un piège à éviter en continuant d’être curieux et de beaucoup travailler.

Des conseils pour qui souhaiterait se lancer dans la profession ?

S.O : Mon conseil c’est de filer au musée du Louvre et de prendre des cours de dessins, de volumes et de colorimétrie.

Quelles sont les expériences qui vous ont le plus marquées et pourquoi ?

S.O : Je n’ai pas d’anecdote, en revanche j’ai des films qui m’ont marqué. Par exemple le tournage de 8 mois du film « Vatel » de Roland Joffé. Tout d’un coup, on est complètement baigné dans l’histoire et se retrouver avec Uma Thurman, Gérard Depardieu, Tim Roth, Richard Griffiths, les plus grands comédiens au monde, au milieu d’un festin de décors, c’était féerique. Là on se retrouve au cœur de ce qui est notre métier : la beauté partout sous toutes les formes que ce soit. Les plus grands techniciens, les plus grands peintres et les plus grands décorateurs sont réunis et je ne l’oublierais jamais.
J’ai aussi eu la chance d’être la maquilleuse de M. Halliday, en cinéma et en pub, et ça a été une jolie rencontre. Avoir su me donner la possibilité de rencontrer et de travailler avec des gens exceptionnels, c’est vraiment ça le plus intéressant.

 

Merci beaucoup à Stéphanie Orillard pour cette entrevue plus que passionnante sur un métier qui n’est pas encore assez mis en avant, mais qui mérite toute notre attention.